mercredi 11 septembre 2013

Apprendre à apprendre!

Je m’étais promise de continuer à tenir mon blog cet été. J’ai fini par mettre de côté ce projet au profit des herbes, des légumes et des fruits de notre potager. Qu’une petite graine dans une bonne terre en vienne à donner une telle quantité de haricots ne finira jamais de me fasciner et de m’émouvoir. Et comme nous produisons aussi notre compost, nous sommes témoins de ce cycle de vie qui fertilisera la terre de nos jardins autour de la maison.

Déformation professionnelle ou penchant philosophique, je ne pouvais m’empêcher de faire un lien entre le potager et l’apprentissage de quelque chose de nouveau – que ce soit la musique, une langue, un sport…

Première étape: aménager un espace en soi, se rendre disponible. Étape subséquente: l’entretenir, cet espace, ne pas le laisser être envahi par les herbes du doute ou encore de l’impatience. En laissant ces dernières prendre racine, elles ralentiront, voire entraveront, la croissance de ce qu’on essaie de faire pousser.

Dans le potager, on apprend que tous les légumes ne poussent pas à la même vitesse. Peu importe ce qu’on en pense, les haricots apparaitront toujours avant les tomates. On ne peut forcer ces choses, encore moins les changer, sous prétexte qu’on voudrait que ce soit autrement. Il en va de même avec tout apprentissage. Certains principes s’acquièrent plus facilement, plus rapidement. D’autres demandent plus de temps, d’attention, de répétition et de réflexion.

Prêter attention à ce qu’on fait va de soi. Observer la façon dont on le fait est tout aussi important. Tout pédagogue qui se respecte se doit d’aborder ces sujets. Car on n’apprend pas juste le piano; on doit aussi apprendre à l’apprendre. Prenez le temps de méditer un peu sur ces propos...


J'aimerais aborder un dernier point avant de fermer la clôture du potager.
Face aux difficultés et aux nombreux défis de l’apprentissage, prendre les choses au sérieux est important. Mais attention, il ne faut surtout pas les “prendre personnelles”. Je m’explique: de moins bonnes journées, ça arrive. Il ne faut surtout pas en faire un cas, douter de ses capacités et tout remettre en question. Une bonne attitude favorise l'utilisation des aptitudes. Alors, ces journées-là, gardez la tête froide, remontez les manches et travaillez votre jardin!

Bon jardinage!


mardi 18 juin 2013

And here’s to you, Mister...Thompson!

«... Cette grande personne peut tout comprendre, même les livres pour enfants. Je veux bien dédier ce livre à l’enfant qu’a été autrefois cette grande personne. Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. Mais peu d’entre elles s’en souviennent.»            
Saint-Exupéry. Le petit prince. (Extrait de la dédicace)

J’apprécie beaucoup les 4 livres « JohnThompson’s easiest piano course » avec CD pour les opportunités de découverte et d’adaptation qu’ils offrent. Oui oui, je parle bien de la version pour enfants avec les drôles de petits personnages. Ils rappellent aux adultes qu’on a le droit - et le devoir- de s’amuser et de se créer des mondes qui aideront à illustrer et mieux interpréter la musique.

L’apprentissage est progressif et réfléchi, ce qui est idéal pour débuter ou réviser tout en s’amusant dans un environnement sonore varié. 
Il permet d’abord de se recentrer au piano et dans les portées, puis d’élargir progressivement la lecture et le jeu, en occupant plus d’espace et en prenant du recul.

Les mains ne se déplacent pas sur le clavier dans les premières pièces, ce qui permet de se concentrer sur la verticalité du jeu des doigts, autrement dit : lever les doigts.

Les mouvements ascendants et descendants débutent de façon conjointe avec des secondes. Puis apparaissent tierces, quartes, quintes… 
Parce que les déplacements sont vécus de façon progressive, on a le temps de les décoder et de permettre la mémorisation des empreintes : à la fois une mémoire kinesthésique et une mémoire sonore des intervalles.

Côté mathématique rythmique, le nombre de temps par mesure varie d’une pièce à l’autre, ainsi que les styles d’accompagnement du CD. À noter que le CD ne nous attend pas si on se trompe. L'approche est peut-être ludique, mais ces accompagnements imposent une concentration de tous les instants.

Parce que les styles varient, on baigne dans des univers sonores propres à différentes cultures. On apprend à s’adapter aux rythmes, aux intonations, aux accentuations de chacun.

S’intéresser à des styles musicaux différents est très profitable, tant au plan technique qu’au plan imaginatif. Il est donc bon de sortir de nos zones de confort et d’explorer d’autres horizons musicaux.

Voilà la base d’une conscience, d’une technique et d’une sensibilité saine, solide et durable. Mais pour cela, il ne faut pas juste survoler. Il faut être présent à ce que l'on fait pour s'en s'imprégner d'une façon durable.

« Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. »  
Saint-Exupéry. Le petit prince.


samedi 15 juin 2013

Manu musicali

“Le mouvement des doigts se prend à la racine, c’est-à-dire à la jointure qui les attache à la main.” 
Jacques Duphly 1769

Il est bon de se souvenir que la main et les doigts sont au bout d’une chaine: épaule, bras, coude, avant-bras, poignet. Et qu’ils seront nécessairement affectés par une mauvaise posture. 
Avant de commencer à jouer, prenez le temps de vous concentrer sur les points suivants.
Faites-en un rituel qui vous permettra d’entrer dans la “zone”. Cette manière d’être deviendra éventuellement naturelle et spontanée.
Une bonne assise.
Épaule et coude: libres et détendus.
Poignet dans le prolongement du coude.
Tous les doigts en contact avec les touches.
Respiration abdominale.

Parlons poignet
La souplesse de celui-ci est un pré-requis à la liberté des doigts. Un poignet rigide empêchera la fluidité du jeu. Le poignet doit garder 3 axes de mouvements: latéral, vertical et rotatif.
  
Sur la main et les doigts 
La force de la main est en son centre. Pouce et auriculaire forment les deux piliers de cette voute, ce qui empêche la main de s’effondrer. L’index stabilise l’ensemble. Les cinq doigts sont légèrement arrondis, sans crispation et prêts à jouer.
De beaux ongles au piano sont des ongles courts, car ils permettent un bon contact de la pulpe du doigt avec la touche.

Peu importe que la main soit forte ou délicate, que les doigts soient longs ou courts, que la main soit palmée ou non, «ce n’est pas tant ce que l’on a comme ce que l’on fait avec» qui est important.

Hanon et autres
Les exercices techniques restent un incontournable essentiel pour développer souplesse et puissance, douceur et force, autonomie et indépendance de chaque doigt.

Ailleurs qu’au piano
Vous pouvez faire cet exercice d’indépendance et d’assouplissement n’importe où, n’importe quand. Il est simple : main déposée sur la table comme au clavier, levez chaque doigt lentement 5 à 10 fois. Puis lever 2 doigts à la fois. Lentement, en 2 temps: en haut, en bas, en haut, en bas...

   " Pour le virtuose, la technique n'est qu'un moyen d'accéder à d'autres mondes." Liszt

samedi 8 juin 2013

Sur la conscience

« L'art équestre commence par la perfection des choses simples. » Nuno Oliviera   

Mon humble opinion est qu’il est plus important de se concentrer sur la capacité de lecture, d’adaptation et de réponse, plutôt que sur la vitesse d’exécution. Cette dernière viendra d’elle-même. Tout apprentissage devrait être fait avec lenteur, en souplesse, dans le calme.

Au fil des différentes situations rencontrées dans les pièces, quand on travaille à la fois de façon analytique et ressentie, avec curiosité et application, notre répertoire gestuel s’enrichit. Ce qui permet au geste musical de devenir de plus en plus naturel en toutes circonstances.

La lenteur du geste permet aussi d’apprendre à bien évaluer les dépenses d’énergie de façon efficace, et à éviter les gestes inutiles. Elle permet de prendre l’habitude de se mouvoir en toute connaissance de cause, et non de façon aléatoire.

dimanche 19 mai 2013

L'assiette


L’assiette est un terme utilisé en équitation pour nommer la surface d’appui du cavalier assis sur le cheval, ainsi que la partie du corps en contact avec celui-­ci. La priorité à cheval doit être, dès le début, la recherche de l’équilibre. Une fois atteinte, les mains, les jambes et le poids deviennent alors des aides qui permettent de communiquer avec le cheval, et non ce qui permet de se tenir dessus.





Au piano aussi, il faut savoir sentir son centre de gravité: d'abord pour éviter les crispations et les efforts inutiles, ensuite pour atteindre l'équilibre requis pour un jeu souple, chantant, et un son riche.





Examinons la position au piano.
On s’assoit sur le devant du siège, les pieds bien à plat. Le dos gagne ainsi en tonus. À noter que le contact des pieds au sol est important.Dans cette position, en privilégiant une respiration abdominale, on rend aux épaules leur liberté.
(Le débutant oublie souvent que l’épaule est une articulation très mobile, et non une partie du tronc.) Les bras gagnent alors en mobilité et les mains et les doigts se retrouvent dans une position optimale. Il reste alors à s’ouvrir aux sensations ressenties par le bout des doigts sur les touches.


J’ai étudié auprès d’un professeur formé à la prestigieuse École Nationale d’Équitation de Saumur. Pour les curieux: http://www.cadrenoir.fr/le-cadre-noir
Il s’amusait à répéter qu’il fallait développer une fesse intelligente: qui perçoit, qui écoute et qui parle. Il parlait bien entendu de l’assiette qui est aussi canal de communication avec le cheval.

L’acte de s’asseoir au piano n’est pas non plus un geste anodin. On ne s’assied pas au piano comme on le fait à la table pour le repas. Dans ce geste qui semble banal, il y a acte de présence. Il y a recherche d’équilibre en soi, et dans le geste pianistique. Il faut donc savoir reconnaître quand on est bien assis: la hauteur et la distance avec le clavier font partie des paramètres à vérifier. 

Commençons par s’asseoir sur le devant du banc, plutôt sur les ischions que sur le haut de la fesse, avec les pieds bien à plat. Il faut sentir en soi un axe qui s’étire, et non qui s’affaisse. Cet axe imaginaire passe par le centre de gravité. On redresse doucement la colonne vertébrale, puis la tête, on rentre un peu le menton, ce qui permet de dégager l’ensemble. On prend contact avec son corps, on l’habite.

Coude et poignet sont au même niveau. 
Coude plus haut que les poignets, trop de poids est mis sur les doigts. Coude plus bas, les poignets sont cassés et les doigts embêtés. Les coudes sont dégagés du tronc vers l’avant.
Lors des déplacements latéraux, ils ne doivent pas rencontrer d’obstacle. 

De bas en haut, du cou au bout des doigts, les mots-clés sont détente et souplesse. 
À noter que ces mots ne sont pas des synonymes de mollesse. Au contraire, il faut savoir garder du tonus sans toutefois se crisper. 


Passer du temps pour trouver une position confortable n’est pas une perte de temps. Cette position permettra la liberté de mouvement ainsi que l’efficacité. Associée à une respiration profonde, elle sera génératrice de calme. La musique peut devenir une épreuve si on ne tient pas compte des aspects émotifs au même titre que gestuels et techniques. Si elle est ignorée, l’émotion peut inhiber l’action à des degrés divers: crispation, panne de lecture, crampes, sueurs, tremblements... Nous avons donc besoin d’une bonne assise pour aborder le défi musical.

CHERCHER DÈS LE DÉBUT L’INDÉPENDANCE DES DIFFÉRENTES PARTIES DU CORPS. VEILLEZ À CE QUE LES MOUVEMENTS D’UN BRAS N’AIENT AUCUNE RÉPERCUSSION SUR L’AUTRE BRAS (...) LE PROGRÈS N’EST PAS CONSÉQUENCE DES MOUVEMENTS, MAIS DE LA FAÇON DONT ILS SONT EXÉCUTÉS.Cdt Licart -­ Comment apprendre à monter à cheval 

jeudi 16 mai 2013

Paroles de Boileau


Mon père ne cessait de parler pédagogie musicale à la maison. Je pense que c’est ainsi qu’est née ma passion pour l’enseignement, au fil de ces conversations autour de la table. 

Parmi ses sujets de débat préférés: le piège de la mémoire digitale.
À son grand bonheur, ma mère nous est arrivé un jour avec cette citation:

                   Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement.
                             Et les mots pour le dire arrivent aisément.
                                        Boileau - L’art poétique

Ce qui se conçoit bien musicalement sera joué avec justesse, économie de gestes et musicalité.

Boileau disait aussi:

                    Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.

Avant de jouer, apprenez à penser. 
Avant de jouer, prenez le temps de penser. 
Et, en jouant, restez présent à ce que vous faites. 

À force de vous y entraîner, «penser musique» deviendra une seconde nature. La pensée deviendra légère et habile à décoder rapidement. Le corps restera détendu et en équilibre. Bien guidés, les doigts trouveront leur chemin au clavier avec agilité et fluidité. Le jeu sera expressif.

Qu’est-ce que la mémoire digitale? C’est quand les doigts y vont par eux-mêmes, parce que l’enchaînement des doigts a été mémorisé, automatisé à force de répétition, et qu’on a cessé de penser aux noms des notes et aux accords. Ce n’est pas mauvais, sauf «quand il n’y a personne derrière le volant.» Tout dans les doigts, rien dans la tête: cul de sac en vue éventuellement, assurément.

Un petit truc pour rester centré: bien partir. Avant de commencer votre pièce au piano, gardez les mains sur les cuisses et prenez du temps pour réfléchir à ce que vous allez jouer. Ne laissez vos doigts chercher, utilisez plutôt votre tête: 
ça va mieux! Et restez dans cet esprit quand vous jouez: ne perdez pas de vue ce que vous êtes en train de faire. 

Bonne pratique!

dimanche 5 mai 2013

Kinesthésie, Zen et Escalade 1


Je vous partage ici une des feuilles d'un document que j'ai écrit et que je remettais aux élèves de mes cours. On peut facilement appliquer ces principes à l'instrument. 
Bonne lecture!

L'harmonie



Le Maître Ittei disait : 
« Le progrès en calligraphie consiste à créer l'harmonie entre le parchemin, le pinceau et l'encre ». Hagakure

De la même façon, le musicien doit faire un avec son instrument. On pensera que c’est le piano qui devient le prolongement du pianiste. Mais ce n’est pas une voie à sens unique... 

Travailler les yeux fermés aide à établir ce lien. 
Tout doucement, notre présence à ce qu’on fait grandit. Nos sensations tactiles s’améliorent. On prend conscience de la texture des touches sous nos doigts. On perçoit mieux les vibrations. On peut même les sentir dans notre corps. Le piano se met à nous parler. On se laisse atteindre et toucher. On se met au diapason... l’harmonie se crée.

Travailler lentement aide à ne pas perdre contact avec son piano. Le geste devient de plus en plus naturel car profondément ressenti. Les bons réflexes s’installent, sans gestes parasites, sans crispations.  

C'est parfois dans la lenteur qu'on progresse le plus rapidement.





Réflexion sur l'art


L’équitation est une mine de recherches constantes pour le cavalier qui doit se façonner à sa monture en même temps qu’il lui demande de répondre à ses désirs.

«Plus que tout autre, l’art équestre est en liaison intime avec l’art de vivre. De même le cavalier n’aura de succès que s’il est équilibré physiquement et moralement, de même l’homme aura besoin de cet équilibre tout spécialement quant au caractère pour faire son chemin dans la vie.»    Aloïs Podhadjsky

Ce que requiert la pratique de tout art:
la discipline, la concentration, la patience, la curiosité et le souci de grandir dans cet art. 
L’art requiert aussi de reconnaître que chaque chose a son temps, et qu’il y a des choses qu’on ne peut pas provoquer. Il enseigne à se préparer, 
à attendre et à accueillir. Trop souvent, on se brusque soi-même, sans même s’en rendre compte, en ne respectant pas son propre rythme.

« Il est essentiel que la discipline ne soit pas pratiquée comme une règle s’imposant du dehors, mais qu’elle devienne une expression de notre volonté propre, qu’elle soit ressentie comme plaisante et qu’on s’accoutume progressivement à un style de vie dont on finirait par regretter l’absence si on cessait de la mettre en pratique.»
Eric Fromm

samedi 4 mai 2013

Réflexion sur le talent


S’il y a une excuse qui revient souvent, c’est bien celle du manque de talent. Qui n’a pas eu un oncle ou une tante qui avait «le talent» dans la famille, et s’installait au piano durant les veillées de famille et était capable de jouer n’importe quoi? On se disait alors: «ah, si j’avais ce talent, ce que j’en ferais des choses!». Avait-on pensé à demander à «mon oncle et ma tante» combien d’heures, de semaines, d’années ils avaient passées au piano?

Il faut savoir qu’apprendre la musique n’est pas une question de talent. C’est d’abord une question de travail et de ténacité. On associe trop facilement talent à génie et prodige. «Si ce n’est pas facile pour moi, c’est que je n’ai pas de talent.» Faux!

La réussite est proportionnelle à la passion que l’on porte à ce que l’on fait et au temps qu’on lui réserve, en s’y investissant pleinement, régulièrement. Il faut y mettre du temps et, prendre son temps. Ce doit être un rendez-vous quotidien, beau temps mauvais temps. 

Jouer d’un instrument n’est pas facile. Sont mobilisés à la fois l’intellect (lecture, calcul,compréhension, anticipation...), le physique (position du corps, des mains et des doigts, souplesse, force, endurance, détente, coordination...) et l’émotif (par les nuances, exprimer les émotions).

C’est aussi une activité profondément émotionnelle: la moindre peur, le moindre stress se répercute aussitôt au niveau physique (raideur, crampes) et au niveau intellectuel (panne de lecture, vision plus étroite). Il faut donc aussi apprendre à contrôler les flots émotionnels qui nous traversent pour que notre musicalité puisse s’exprimer librement à l’instrument.

Un jour j’ai demandé à mon père - qui jouait absolument de tout de façon magistrale- combien de temps il avait investi au piano, et j’ai compris que mon excuse de manque de talent ne tenait pas la route. Il m’a dit de passer autant d’heures que lui au piano avant de pouvoir dire que je manquais de talent. J’ai réalisé alors que si j’y mettais le temps et que si j’avais l’audace de croire en moi, mon univers musical serait plus vaste.

Vous écoutez-vous?


Comprendre son chien implique qu’on l’écoute. Ça implique aussi qu’on accepte le fait qu’un chien a quelque chose à dire. 
                     « Lots of people talk to animals. Not very many listen though... that’s the problem.»
                                                                                                Benjamin Hoff «The Tao of Pooh»

Un chien est un bon «maître» qui a beaucoup à nous apprendre: il est toujours présent à ce qu’il fait. Et il sait quand son humain ne l’est pas. Même quand on lui présente un dehors sûr de soi, il sait lire l’Incertitude intérieure. 
Il perçoit clairement notre déséquilibre, nos contradictions. Et réagit en conséquence. 
Si on ne s’écoute pas, lui le fait. 

Le chien est un «maître» exigeant qui reflète nos faiblesses. J’ai beaucoup appris sur moi auprès d’eux. Et je continue à apprendre.

Quand vous êtes au piano, vous écoutez-vous?
Je ne parle pas de ce que vous jouez. Je parle de votre état d’esprit, de vos émotions. 
Êtes-vous harmonieux, calme, confiant, équilibré? Ou êtes-vous stressé, anxieux, pressé?

Ce que vous croyez a de fortes chances de se matérialiser. Quand je grimpais, si je me voyais tomber, je tombais. Vous voyez-vous réussir? 

Ce que vous vivez ou pensez s’entendra au piano. 
Bonne pratique!


Pour qui et pourquoi?


Inévitablement, quand on commence un nouvel apprentissage, il y a des moments creux, des 
moments où l’on semble faire du surplace. Ou encore des moments où on ne réussit pas à reprendre son souffle. Il est bon alors de ne pas tout remettre en question et de se souvenir des raisons qui nous ont amené au piano.

«Pour qui et pourquoi ai-je décidé d’apprendre le piano?». Il est important de se rappeler que c’est pour soi. Pour réaliser un rêve. Pour se faire plaisir. Pour pouvoir s’exprimer au moyen de la musique. Pour grandir. Pour ne pas dire plus tard «j’aurais donc dû». 

Il faut aussi se défaire du poids de la culpabilité (je n’ai pas assez pratiqué), des attentes (je devrais être meilleur/meilleure que je ne le suis en ce moment), des comparaisons (je suis sûr/sûre que les autres sont plus rapides), etc. La liste peut être longue à souhait car on ne manque pas d’imagination quand c’est le temps de se trouver des défaites. D’autres exemples? J’ai passé l’âge. J’ai moins de mémoire. Ma coordination est moins bonne.

Soyons honnêtes, apprendre à jouer d’un instrument de musique n’est pas toujours chose aisée. Mais rassurez-vous, rien n’est insurmontable pour qui a la bonne attitude. Il y a toutefois des règles de base à respecter: se réserver du temps quotidiennement au piano, garder l’esprit ouvert, apaisé et concentré, cultiver l’émerveillement et être patient.

Oui, être patient, car apprendre à jouer d’un instrument de musique implique d’apprendre un nouveau langage, de comprendre sa structure, sa terminologie, sa mathématique. Apprendre à jouer d’un instrument de musique implique aussi de s’entraîner, de développer une nouvelle coordination, une indépendance des doigts, une bonne position. Le corps est sollicité de diverses façons, plus qu’on ne peut l’imaginer en débutant.

La constance est une alliée sûre, ainsi qu’une pensée résolument positive. Une demi-heure quotidienne en pleine conscience rapporte beaucoup plus qu’une heure passée à ânonner, l’esprit encombré. Il ne faut pas oublier que dans tout apprentissage, il y a des «plateaux», des moments durant lesquels on n’a plus l’impression de progresser. Quand ils sont bien vécus, ils nous permettent de faire le point, de prendre un recul pour apprécier le chemin parcouru, de mettre de l’ordre dans ce qu’on a appris et de l’assimiler encore mieux. 





Respirer


Quoi de plus naturel que de respirer. Même pas besoin d’y penser pour le faire. Après tout, c’est une fonction végétative. Alors, pourquoi en parler?! Pour attirer votre attention sur votre respiration quand vous êtes au piano. Tout simplement.

Concentré sur notre pièce, à déchiffrer les hauteurs de sons et les rythmes, à coordonner les deux mains, à essayer de garder le tempo et à vouloir donner un sens à ce qu’on joue, on en finit parfois par oublier de respirer correctement. Ou de respirer tout court. On retient notre souffle inconsciemment, le temps que ça passe ou que ça casse. On concentre ses énergies et toute son attention sur ce qu’on fait en oubliant d’être.

Mais voilà, pour jouer correctement une pièce, il faut savoir la vivre. Pour y arriver, être à l’aise est essentiel. Une crispation au niveau respiratoire entraîne une crispation des épaules, des bras, des poignets, de la main, des doigts. Il faut donc savoir libérer sa respiration et l’accorder avec ce qui est joué. C’est essentiel pour obtenir une sonorité chantante à l’instrument. 

Tout comme en escalade, à cheval ou à vélo, il faut «respirer du ventre», i.e. privilégier une respiration abdominale plutôt que thoracique.
Cette respiration permet de sentir son centre de gravité, d’asseoir son équilibre, de se détendre et de libérer le haut du corps. Elle permet de mieux rentrer en contact avec la globalité de son corps. Les zones de tension sont identifiées plus facilement. La respiration aidera au relâchement musculaire et à la gestion du stress. Tout ceci donnera au pianiste plus de stabilité, de précision, d’aisance et une fluidité dans le geste, dans le jeu.
Inspirant, je calme mon corps. 
Expirant, je souris. 
Demeurant dans l’instant présent, je reconnais toute la merveille de cet instant.      
                                                                                                                               
 Thich Nath Hanh

L'esprit du débutant



Je vous présente un de mes professeurs: Yucca, «musichienne» à ses heures, mais 
surtout chien fidèle au grand coeur.  Tous les jours, elle m’enseigne et me fait pratiquer un tas de choses. Elle m’aide à jeter un regard neuf sur ce qui m’entoure, en gardant l’esprit ouvert pour mieux voir. Quand 
je la regarde traquer les champs près de chez nous, elle m’ouvre les portes de son univers et m’enseigne un peu plus sur la concentration. Son enthousiasme débordant lors de nos routines et rituels quotidiens me fait réaliser l’importance et la magie de l’instant présent. Elle m’enseigne ce qu’est l’esprit du débutant.
Si votre esprit est vide, il est toujours prêt pour quoique ce soit; il est ouvert à tout.
L’esprit du débutant contient beaucoup de possibilités, mais celui de l’expert en contient peu.
Dans l’esprit du débutant n’existe pas l’urgence de posséder, d’acquérir ou d’atteindre quelque chose. Toutes les pensées égocentriques limitent l’expérience. Le vrai secret des arts: être toujours un débutant.»    Shunryu Suzuki







Il est bon de cultiver cette attitude. Quand on s’enlève le stress d’apprendre et qu’on s’attarde plutôt à être présent à ce qu’on fait, on permet à la compréhension de venir au secours de l’apprentissage. 

Mais voilà, comme l’hyperactivité règne sur notre société et qu’elle nous fait baigner dans un climat d’urgence, une autre tentation nous guette tout naturellement: le besoin de performance. Cette névrose moderne s’insinue jusque dans nos loisirs. Dans une société dominée par la vitesse, le moindre contretemps et la moindre lenteur exaspèrent et insécurisent. Comment alors comprendre qu’il faut ralentir pour apprendre la musique et que la lenteur n’est pas synonyme de  manque de talent ou de «drive». 

Celui qui a l’esprit du débutant s’émerveille du chemin parcouru; il ne regarde pas sa montre ou son calendrier pour s’évaluer. Il ne s’inquiète pas du chemin qui reste à parcourir. Le but à atteindre n’est pas là-bas, «quand je serai bon, quand je jouerai plus vite, quand j’aurai un meilleur instrument». Il se réalise plutôt dans chaque pas qui est fait.
Le bonheur de jouer ne s’achète pas, il se vit. C’est d’abord une attitude, une ouverture, une présence. 

Celui qui a l’esprit du débutant ne s’empresse pas de poser l’étiquette «je sais». 
Il n’essaie pas non plus de mémoriser. À chaque jour, il pose un regard neuf sur ce qu’il étudie. Il garde ses pensées orientées sur ce qu’il fait. Il observe sous le plus d’angles possibles. Doucement, sans stress et sûrement. 

La musique est un art exigeant qui ne se laisse pas apprivoiser rapidement. Mais pour celui qui est capable de trouver du bonheur dans chaque pas, c’est un voyage passionnant qui fait beaucoup grandir.