samedi 4 mai 2013

Réflexion sur le talent


S’il y a une excuse qui revient souvent, c’est bien celle du manque de talent. Qui n’a pas eu un oncle ou une tante qui avait «le talent» dans la famille, et s’installait au piano durant les veillées de famille et était capable de jouer n’importe quoi? On se disait alors: «ah, si j’avais ce talent, ce que j’en ferais des choses!». Avait-on pensé à demander à «mon oncle et ma tante» combien d’heures, de semaines, d’années ils avaient passées au piano?

Il faut savoir qu’apprendre la musique n’est pas une question de talent. C’est d’abord une question de travail et de ténacité. On associe trop facilement talent à génie et prodige. «Si ce n’est pas facile pour moi, c’est que je n’ai pas de talent.» Faux!

La réussite est proportionnelle à la passion que l’on porte à ce que l’on fait et au temps qu’on lui réserve, en s’y investissant pleinement, régulièrement. Il faut y mettre du temps et, prendre son temps. Ce doit être un rendez-vous quotidien, beau temps mauvais temps. 

Jouer d’un instrument n’est pas facile. Sont mobilisés à la fois l’intellect (lecture, calcul,compréhension, anticipation...), le physique (position du corps, des mains et des doigts, souplesse, force, endurance, détente, coordination...) et l’émotif (par les nuances, exprimer les émotions).

C’est aussi une activité profondément émotionnelle: la moindre peur, le moindre stress se répercute aussitôt au niveau physique (raideur, crampes) et au niveau intellectuel (panne de lecture, vision plus étroite). Il faut donc aussi apprendre à contrôler les flots émotionnels qui nous traversent pour que notre musicalité puisse s’exprimer librement à l’instrument.

Un jour j’ai demandé à mon père - qui jouait absolument de tout de façon magistrale- combien de temps il avait investi au piano, et j’ai compris que mon excuse de manque de talent ne tenait pas la route. Il m’a dit de passer autant d’heures que lui au piano avant de pouvoir dire que je manquais de talent. J’ai réalisé alors que si j’y mettais le temps et que si j’avais l’audace de croire en moi, mon univers musical serait plus vaste.

Vous écoutez-vous?


Comprendre son chien implique qu’on l’écoute. Ça implique aussi qu’on accepte le fait qu’un chien a quelque chose à dire. 
                     « Lots of people talk to animals. Not very many listen though... that’s the problem.»
                                                                                                Benjamin Hoff «The Tao of Pooh»

Un chien est un bon «maître» qui a beaucoup à nous apprendre: il est toujours présent à ce qu’il fait. Et il sait quand son humain ne l’est pas. Même quand on lui présente un dehors sûr de soi, il sait lire l’Incertitude intérieure. 
Il perçoit clairement notre déséquilibre, nos contradictions. Et réagit en conséquence. 
Si on ne s’écoute pas, lui le fait. 

Le chien est un «maître» exigeant qui reflète nos faiblesses. J’ai beaucoup appris sur moi auprès d’eux. Et je continue à apprendre.

Quand vous êtes au piano, vous écoutez-vous?
Je ne parle pas de ce que vous jouez. Je parle de votre état d’esprit, de vos émotions. 
Êtes-vous harmonieux, calme, confiant, équilibré? Ou êtes-vous stressé, anxieux, pressé?

Ce que vous croyez a de fortes chances de se matérialiser. Quand je grimpais, si je me voyais tomber, je tombais. Vous voyez-vous réussir? 

Ce que vous vivez ou pensez s’entendra au piano. 
Bonne pratique!


Pour qui et pourquoi?


Inévitablement, quand on commence un nouvel apprentissage, il y a des moments creux, des 
moments où l’on semble faire du surplace. Ou encore des moments où on ne réussit pas à reprendre son souffle. Il est bon alors de ne pas tout remettre en question et de se souvenir des raisons qui nous ont amené au piano.

«Pour qui et pourquoi ai-je décidé d’apprendre le piano?». Il est important de se rappeler que c’est pour soi. Pour réaliser un rêve. Pour se faire plaisir. Pour pouvoir s’exprimer au moyen de la musique. Pour grandir. Pour ne pas dire plus tard «j’aurais donc dû». 

Il faut aussi se défaire du poids de la culpabilité (je n’ai pas assez pratiqué), des attentes (je devrais être meilleur/meilleure que je ne le suis en ce moment), des comparaisons (je suis sûr/sûre que les autres sont plus rapides), etc. La liste peut être longue à souhait car on ne manque pas d’imagination quand c’est le temps de se trouver des défaites. D’autres exemples? J’ai passé l’âge. J’ai moins de mémoire. Ma coordination est moins bonne.

Soyons honnêtes, apprendre à jouer d’un instrument de musique n’est pas toujours chose aisée. Mais rassurez-vous, rien n’est insurmontable pour qui a la bonne attitude. Il y a toutefois des règles de base à respecter: se réserver du temps quotidiennement au piano, garder l’esprit ouvert, apaisé et concentré, cultiver l’émerveillement et être patient.

Oui, être patient, car apprendre à jouer d’un instrument de musique implique d’apprendre un nouveau langage, de comprendre sa structure, sa terminologie, sa mathématique. Apprendre à jouer d’un instrument de musique implique aussi de s’entraîner, de développer une nouvelle coordination, une indépendance des doigts, une bonne position. Le corps est sollicité de diverses façons, plus qu’on ne peut l’imaginer en débutant.

La constance est une alliée sûre, ainsi qu’une pensée résolument positive. Une demi-heure quotidienne en pleine conscience rapporte beaucoup plus qu’une heure passée à ânonner, l’esprit encombré. Il ne faut pas oublier que dans tout apprentissage, il y a des «plateaux», des moments durant lesquels on n’a plus l’impression de progresser. Quand ils sont bien vécus, ils nous permettent de faire le point, de prendre un recul pour apprécier le chemin parcouru, de mettre de l’ordre dans ce qu’on a appris et de l’assimiler encore mieux. 





Respirer


Quoi de plus naturel que de respirer. Même pas besoin d’y penser pour le faire. Après tout, c’est une fonction végétative. Alors, pourquoi en parler?! Pour attirer votre attention sur votre respiration quand vous êtes au piano. Tout simplement.

Concentré sur notre pièce, à déchiffrer les hauteurs de sons et les rythmes, à coordonner les deux mains, à essayer de garder le tempo et à vouloir donner un sens à ce qu’on joue, on en finit parfois par oublier de respirer correctement. Ou de respirer tout court. On retient notre souffle inconsciemment, le temps que ça passe ou que ça casse. On concentre ses énergies et toute son attention sur ce qu’on fait en oubliant d’être.

Mais voilà, pour jouer correctement une pièce, il faut savoir la vivre. Pour y arriver, être à l’aise est essentiel. Une crispation au niveau respiratoire entraîne une crispation des épaules, des bras, des poignets, de la main, des doigts. Il faut donc savoir libérer sa respiration et l’accorder avec ce qui est joué. C’est essentiel pour obtenir une sonorité chantante à l’instrument. 

Tout comme en escalade, à cheval ou à vélo, il faut «respirer du ventre», i.e. privilégier une respiration abdominale plutôt que thoracique.
Cette respiration permet de sentir son centre de gravité, d’asseoir son équilibre, de se détendre et de libérer le haut du corps. Elle permet de mieux rentrer en contact avec la globalité de son corps. Les zones de tension sont identifiées plus facilement. La respiration aidera au relâchement musculaire et à la gestion du stress. Tout ceci donnera au pianiste plus de stabilité, de précision, d’aisance et une fluidité dans le geste, dans le jeu.
Inspirant, je calme mon corps. 
Expirant, je souris. 
Demeurant dans l’instant présent, je reconnais toute la merveille de cet instant.      
                                                                                                                               
 Thich Nath Hanh

L'esprit du débutant



Je vous présente un de mes professeurs: Yucca, «musichienne» à ses heures, mais 
surtout chien fidèle au grand coeur.  Tous les jours, elle m’enseigne et me fait pratiquer un tas de choses. Elle m’aide à jeter un regard neuf sur ce qui m’entoure, en gardant l’esprit ouvert pour mieux voir. Quand 
je la regarde traquer les champs près de chez nous, elle m’ouvre les portes de son univers et m’enseigne un peu plus sur la concentration. Son enthousiasme débordant lors de nos routines et rituels quotidiens me fait réaliser l’importance et la magie de l’instant présent. Elle m’enseigne ce qu’est l’esprit du débutant.
Si votre esprit est vide, il est toujours prêt pour quoique ce soit; il est ouvert à tout.
L’esprit du débutant contient beaucoup de possibilités, mais celui de l’expert en contient peu.
Dans l’esprit du débutant n’existe pas l’urgence de posséder, d’acquérir ou d’atteindre quelque chose. Toutes les pensées égocentriques limitent l’expérience. Le vrai secret des arts: être toujours un débutant.»    Shunryu Suzuki







Il est bon de cultiver cette attitude. Quand on s’enlève le stress d’apprendre et qu’on s’attarde plutôt à être présent à ce qu’on fait, on permet à la compréhension de venir au secours de l’apprentissage. 

Mais voilà, comme l’hyperactivité règne sur notre société et qu’elle nous fait baigner dans un climat d’urgence, une autre tentation nous guette tout naturellement: le besoin de performance. Cette névrose moderne s’insinue jusque dans nos loisirs. Dans une société dominée par la vitesse, le moindre contretemps et la moindre lenteur exaspèrent et insécurisent. Comment alors comprendre qu’il faut ralentir pour apprendre la musique et que la lenteur n’est pas synonyme de  manque de talent ou de «drive». 

Celui qui a l’esprit du débutant s’émerveille du chemin parcouru; il ne regarde pas sa montre ou son calendrier pour s’évaluer. Il ne s’inquiète pas du chemin qui reste à parcourir. Le but à atteindre n’est pas là-bas, «quand je serai bon, quand je jouerai plus vite, quand j’aurai un meilleur instrument». Il se réalise plutôt dans chaque pas qui est fait.
Le bonheur de jouer ne s’achète pas, il se vit. C’est d’abord une attitude, une ouverture, une présence. 

Celui qui a l’esprit du débutant ne s’empresse pas de poser l’étiquette «je sais». 
Il n’essaie pas non plus de mémoriser. À chaque jour, il pose un regard neuf sur ce qu’il étudie. Il garde ses pensées orientées sur ce qu’il fait. Il observe sous le plus d’angles possibles. Doucement, sans stress et sûrement. 

La musique est un art exigeant qui ne se laisse pas apprivoiser rapidement. Mais pour celui qui est capable de trouver du bonheur dans chaque pas, c’est un voyage passionnant qui fait beaucoup grandir.

La beauté du geste


«Pour aller vite en montagne, il faut aller lentement».
Voilà une règle de base que tout montagnard ou alpiniste d’expérience connaît. 
À trop vouloir aller vite, on s’épuise plus rapidement et on se met en situation de danger. 

On peut choisir d’aller lentement aussi pour d’autres raisons. Profiter du paysage peut en être une. S’arrêter au plaisir du geste une autre.

En escalade, un éducatif fort instructif à cet effet est la grimpe au ralenti. Ce «taï-chi à la verticale» permettait aux élèves de mieux vivre les transferts de poids, de tonifier leur corps en plus d’améliorer leur équilibre, leur souplesse et leur coordination. Il aidait à améliorer la concentration, ainsi que, paradoxalement, la rapidité de lecture de la voie. Il imposait de s’attarder à chaque geste, en sentant chaque partie du corps qui était sollicitée. Calme et silence trouvaient leur place au sein d’une gestuelle de plus en plus élégante et efficace.

Jouer lentement au piano offre les mêmes bénéfices. Sans le stress de la vitesse, la lecture se fait de façon plus complète. Le «décryptage» de la partition se fait mieux. On peut sentir chaque note, chaque écart, chaque enchainement avec plus de précision. Les tensions disparaissent tandis que les nuances apparaissent de façon toute naturelle. 

Jouer lentement, c’est plus que simplement mettre le métronome à 40 battements minute; c’est accueillir la lenteur comme un bienfait, comme un éveil à la beauté du geste. 
Se ménager ainsi un espace de calme dans cette vie tourmentée par la performance, le «tout cuit» et la vitesse est très ressourçant et très révélateur.

Se préparer à l'action


Quand on s’assoie à l’instrument, que ce soit ou non devant une partition, il est essentiel de prendre le temps de se mettre en harmonie avec soi, dans l’instant présent et avec ce que l’on s’apprête à jouer. 

Pour cela, il faut savoir quoi observer et quelles informations en tirer; savoir se poser les bonnes questions et prendre le temps de trouver les réponses.

Côté science musicale.
Observer l’armure pour pouvoir s’immerger dans la tonalité principale.
Observer les chiffres indicateurs: la mathématique rythmique en dépend ainsi que les accentuations, selon le style.

Côté nuances maintenant. 
Qu’est-ce que l’auteur voulait dire ou décrire? Comment vais-je l’aborder? Quel sera le tempo, l’intensité du «piano» ou du «forte», etc?
Qu’est-ce que je veux exprimer? Quel monde s’ouvre à moi? Il me faut trouver la porte pour y pénétrer et oublier le reste autour de moi.

Cultiver une bonne attitude.
Suis-je en harmonie avec ce que je vais jouer? Ou y a-t-il des mesures qui me font peur? Qu’est-ce que je n’ai pas encore saisi? Il va me falloir isoler les mesures faibles, les analyser et  les pratiquer jusqu’à acquérir la fluidité du geste et de la pensée. Ces mesures deviendront des piliers.

Je ne peux commencer une pièce en doutant de moi, pas plus que je ne pouvais commencer à grimper une cascade avec la crainte vrillée en moi ou avec trop d’enthousiasme ou d’empressement, ou en doutant de mon partenaire. Je devais faire la paix après avoir tout observer, au-dehors de moi ainsi qu’au-dedans. De tels moments imposaient l’intégrité. Ma vie ainsi que celle de mon partenaire de cordée étaient en jeu. Les seuls grimpeurs avec qui j’ai accepté de grimper étaient ceux qui comprenaient que le principal lien qui nous unissait n’était pas la corde, mais plutôt le respect et la confiance.       

Bien sûr, les enjeux ne sont pas les mêmes au piano. Mais si on ne prend pas soin de faire ce qu’il faut avant de jouer et que, par conséquent, on se trompe, on peut finir par croire qu’on n’a pas le talent requis ... et c’est faux!

«Je ne conçois pas le compartimentage, encore moins l’opposition. Pour moi, voler ou écrire, c’est tout un. L’important est d’agir et de faire le point en soi-même.L’aviateur et l’écrivain se confondent dans une égale prise de conscience.»  St-Exupéry 



Chaps nous a quitté




Jeudi 28 février 2013

Il est entré dans notre vie le 9 août 2002, et nous a quitté le 9 février dernier. Quand nous l’avons vu, couché au fond de sa cage à la SPCA de Montréal, nous avons su que notre vie changerait. Il a été un compagnon généreux, enthousiaste, courageux, brillant et toujours heureux d’apprendre de nouveaux mots; dehors, manger, écureuil et balle étant ses préférés. 
Merci à tous d’avoir été si gentils avec lui!

Les mots ne sont pas les seuls vecteurs d’information. Tout parle à qui sait lire, voir et écouter. Une façon de se tenir, un regard, une intonation, un geste, aussi anodin soit-il, sont autant de renseignements sur un être humain et ses aspirations. 
                                                                                                    Pierre Bottero

Une question d'équilibre



Kinesthésie, zen et escalade cours 2.
Le cours durant lequel les élèves souffraient le plus. Un cours charnière durant lequel ils réalisaient qu’on s’épuise à trop solliciter les bras et que les jambes ne font pas juste suivre, mais que ce sont plutôt elles qui nous poussent vers le haut. Les jambes et les pieds produisant l’essentiel de l’effort, les bras complètent ce qui manque et aident à trouver l’équilibre au-dessus des membres inférieurs. Les élèves prenaient alors vraiment 
conscience de leur centre de gravité.

Bien positionner son centre de gravité doit être au coeur des préoccupations du grimpeur. Mon défi était grand: permettre à l’élève de ressentir toutes les subtilités de l’équilibre dans son corps, dans son intellect, dans son affectif au point de s’harmoniser et de s’oublier dans cet état de grande concentration et de présence au «ici et maintenant».

Qu’on parle d’escalade, de musique, d’équitation, de vélo, de ski... il faut tendre à trouver cet équilibre.

Parlant d’équitation, En 1992, j’ai travaillé et étudié quelques mois auprès d’un «horse whisperer» à Revelstoke en Colombie Britannique. Cet homme, Larry Nelles, me répétait sans cesse: «Comment peux-tu demander à ton cheval d’être en équilibre si tu ne l’es pas toi-même? Travaille sur toi avant de travailler sur ton cheval». 

Il me demandait souvent aussi: «où es-tu?». J’ai essayé plusieurs réponses avant de trouver la bonne. J’ai su cette fois-là que j’avais réussi: il m’avait souri au lieu de soupirer. J’avais fini par trouver la clé ouvrant un vrai dialogue avec le cheval: «ici et maintenant». Restait à l’appliquer.

Quand on joue une pièce, il ne faut pas tendre vers la fin. L'empressement et la tension s'entendent. Il faut savoir rester en équilibre, en gardant son attention sur ce qu'on est en train de jouer, un temps à la fois.

«Often the effort goes into the arms, shouders, face and upper body; but the true source of power, and the residence of the will, is in the lower body.
A well-developed awareness in this region is the basis for an inner feeling of power, strength and calmness. What is more, the lower body links the upper body to the ground; and it is the ground itself from which all power to act ultimately comes.» 
                                                                                                    Peter Payne  
                                                                                                    «Martial arts, the spiritual dimension»

Kinesthésie, Zen et Musique 2



Lundi 25 février 2013

On peut être au piano, en train de jouer une pièce qu’on a beaucoup pratiquée, tout en ayant l’esprit ailleurs. La mémoire digitale et ses automatismes sont alors mis à profit. 
Quand on l’utilise, elle est souvent accompagnée de ce type de pensée : pourvu que je ne me trompe pas, il va falloir que je recommence au début. La mémoire des doigts et des déplacements n’est pas à condamner. Il faut toutefois s’en méfier, car elle réserve parfois de mauvaises surprises. 

Toujours être en pleine conscience de ce qu’on joue, voilà la clé de la liberté. En découle 
un jeu libre de stress, fluide, spontané. Il est important de s’entraîner à la conscience de différentes façons.

En escalade, j’utilisais des éducatifs pour permettre aux élèves d’enrichir leur répertoire gestuel, dépasser leurs limites, apprivoiser de nouveaux positionnements, travailler avec leurs caractéristiques propres. Je ne leur disais pas ce qu’ils devaient faire, je les mettais plutôt en situation pour qu’ils le découvrent par eux-mêmes. L’autonomie, la confiance en soi ainsi qu’un bon jugement sont des qualités primordiales pour qui veut bien grimper en toute sécurité.

En musique, mon père les appelait ses « outils de création ». J’aime les considérer comme des katas musicaux. Réussir à bien jouer ces outils pédagogiques n’est pas le but en soi, mais plutôt un instrument de pratique pour développer un état de conscience, une présence et une compréhension à ce qu’on fait. 

L’idée est donc de développer 
 une conscience des notes (intervalles, accords, enchaînements des accords, phrasé…)  
 une conscience de son corps, de ses déplacements, des distances… 
 la bonne attitude, en restant dans le calme, en respirant…

Une fois bien intégrés, la pratique peut dépasser la raison pour accéder au domaine de l’intuition. On peut alors passer de l’interprétation à la créativité. 


Éloge de l'erreur

«Success is stumbling from failure to failure with no loss of enthusiasm." Winston Churchill   

La pédagogie verticale nous rappelle un principe de base: personne n'aime se tromper, d'autant plus qu'en escalade, l'erreur entraîne souvent la chute. Sur mur intérieur, on peut s'entraîner et même s'amuser à tomber, mais absolument pas à l'extérieur où la chute est synonyme de blessure, fracture, voire plus.

En musique, on tombe plutôt à côté de la bonne note, ou à côté du rythme. Moins percutant que de se retrouver au bout d’une corde à pendre dans le vide, mais il faut bien avouer malgré tout qu’une fausse note, ça rompt le charme.

Si on ne peut les éviter, comment aborder alors nos erreurs de façon constructive?
Tout d’abord, il est essentiel de s’arrêter et de les observer plutôt que de les fuir ou pire, de les oublier. Combien de fausses notes sont devenues des bijoux dans mes compositions et arrangements! Si les erreurs nous réservent parfois de bien belles surprises, elles sont aussi source d’enseignement. De plus, elles sont la preuve 
qu’on a osé essayer.

À mes débuts verticaux, je partageais avec un ami entraîneur de gymnastique la déception que je ressentais chaque fois que je tombais. Je remettais en question ma décision de grimper. À quoi il a répondu: «si tous les gymnastes abandonnaient parce qu’ils tombent quand ils apprennent un nouveau mouvement, il n’y aurait plus de gymnastes! Les chutes font partie de l’apprentissage. L’important est de se relever 
et de reprendre autant de fois qu’il le faudra pour réussir.» Merci à toi Guy, je n’ai pas oublié!

Comme l’affectif joue un rôle important, et qu’il peut anéantir toutes nos possibilités, il ne faut donc pas oublier ceci: l’erreur fait partie de l’apprentissage. Ce n’est pas un manque de talent!

"Failure is simply the opportunity to begin again, this time more intelligently." Henry Ford


Kinesthésie, Zen et Musique 1

Vendredi 22 février 2013

Dans les années 90, j’ai nommé « Kinesthésie, zen et escalade» une série de cours de perfectionnement que je donnais à l’école Verti-cal du cegep André-Laurendeau. Je me permets donc de reprendre à un mot près le titre et je m’attarderai aujourd’hui à créer des liens entre les deux disciplines.

La kinesthésie est la perception consciente de la position de son corps et de ses mouvements: savoir et sentir où je suis, quelle partie de mon corps je bouge, reconnaître ce qui est sollicité de ce qui ne l’est pas et qui peut donc se détendre. 
Patrick Edlinger a écrit : «Un grimpeur doit se créer un style, en ressentant profondément ce qu’il fait et non pas en imitant des mouvements dont il ne comprend pas la finalité.» 
Ce n’est pas différent pour un musicien. Cette démarche lui permettra de développer sa «touche» et de trouver sa couleur musicale.

J’avais choisi le mot «zen» pour aborder l’attitude qu’il faut avoir: «rester serein, détendu, ouvert sur le moment présent, orienté sur l’expérience en cours, l’esprit clair, léger, orienté vers le positif.» 

«L’instruction, selon le Zen, ne consiste pas à mémoriser ou même à appliquer des règles, mais plutôt à découvrir sa vraie nature et à la laisser se traduire par des actions spontanées.» (Massimo N. di Villadorato dans La voie du guerrier.)

Au 3ème cours de ce perfectionnement, chaque élève grimpait à tour de rôle une même voie devant les autres. Le but de l’exercice était d’abord pour ceux qui observaient:

après avoir vu leur collègue grimper, chacun devait trouver un point positif à lui dire à propos de sa performance. On m’a très souvent confié qu’il est plus facile de voir le négatif que le positif... Ce soir-là, chacun repartait avec une conscience plus grande de ses qualités, une base essentielle pour progresser, pour découvrir sa vraie nature.